PHOTOS UTMB 2012

COMPTE RENDU GRAND RAID PYRENEES 2011



Enfin, mardi 23 août 2011, nous arrivons à Vieille Aure, un petit village des Hautes Pyrénées, à +- 1300 km de chez nous.  Début mai encore, je croyais que jamais je n'y prendrais part.  Après plus de 4 mois d'arrêt suite à de gros problèmes physiques, ma reprise en avril fut difficile, les douleurs au niveau du pubis étaient toujours bien présentes.  Mais à force d'y croire, et de suivre une rééducation bien structurée, me voilà présent ici à 3 jours du départ.

Jeudi 17h00 Briefing de l'Ultra : 

On nous apprend que la météo annoncée sera catastrophique, en fait de gros orages, de fortes pluies et de la neige au dessus de 2300 mètres sont annoncés dès demain à partir de 4h00 du matin.  La montée  final (400 D+) au Pic du midi (2850 m) est supprimée, et le départ sera décalé de 5h00 à 7h00 du matin.  Pas très réjouissant tout cela !

Vieille Aure - Artigues (29 km 1950 mètres D+)  4h37 min :


7h00, le départ est donné, il fait doux, pas de pluie, mais Vieille Aure se situe à 791 mètres d'altitude, et en 12 km nous allons rejoindre le col du Portet à 2215 mètres. (1430 mètre en 12 km !)  Un début déjà très exigent.  Je me sens bien, je pars assez vite dans un 1er groupe de +- 30 traileurs.  Le rythme est donné, on court quasi les 70 % de la montée.  Passage au 1er ravito (Merlans), puis petite descente et montée au col de Bastanet (2507 m).  Le temps à changé, il fait froid, le brouillard est présent à certains endroits, et nous subissons de plus en plus de rafales de vent avec de fortes pluies. La descente sur Artigues est très glissante et technique. 
Après 4h37' de course, j'arrive à Artigues (km 29 à 1190 mètres altitude)(petit village au pied du célèbre col du Tourmalet) Je suis pointé à la 86 ème place. J'ai perdu beaucoup de places dans la descente. 


Artigues - Villelongue  base de vie (66 km 4000 m D+) 10H58'

Je me ravitaille correctement, et je prends le temps de m'habiller plus chaudement, car en 7 km, on va passer de 1190 mètres à 2400 mètres pour rejoindre le Col de Sencours.  La montée est raide, 1200 mètres de dénivelé en 7km, dur dur !  Au sommet, ravito à l'intérieur de ruines, super sympa et typique.  Je ne m'attarde pas car le temps tourne à l'orage, et le brouillard commence à tout couvrir.  Il commence à pleuvoir,

Col de Sencours 2400 m
Ensuite suivra une succession de parties techniques dans des pierriers, de la boue,...  Nous passerons plusieurs lacs (lac d'Oncet, d'Aouda, vert, bleu), et 3 cols (Bonida, Aoube, et Bareilles).  Paysages magnifiques, de nouveau on en a plein le yeux, et plein les jambes aussi, car ici ce n'est pas comme l'Utmb, il y a très peu de parties roulantes mais des cailloux, des rochers, et encore des pierres, .......  Les montées sont aussi très raides et cassantes, et les descentes hyper techniques.  Mes chevilles et les plantes de pieds commencent a être douloureuses.  Le prochain ravito (Hautacam 58 km) n'est plus loin, et après ce sera une longue descente roulante (enfin) jusqu'à Villelongue.

Il est 17h58, après près de 11 heures d'effort, j'arrive à la base de vie de Villelongue, je suis 72 ème.  Claire est présente, et m'encourage.  Je me nourris, change de vêtements car la nuit approche et on repart vers un des  sommets les + difficiles du raid (Cabaliros 2335 mètres)  Villelongue se situant à  500 mètres d'altitude.  Cela veut dire que l'on va gravir 1700 mètres de dénivelé en 15 km.  J'espère y arriver avant la pleine nuit.

Villelongues - Esquieze Sers (base de vie )117 km 6950 D+ 22H10'


montée vers Turon Bene

A 18h18, je repars.  Je me sens bien, pas fatigué, et jusqu'à présent, c'est une course parfaite à tous niveaux, pas de douleurs, pas de fatigue, bonne gestion de l'alimentation, que demander de plus.  Les 1er km après Villelongue sont faciles, puis doucement on rentre en forêt et cela commence à monter raide, puis très raide, et tout cela à travers  des champs, des prés de vaches, de la tourbe, des pierriers, pas vraiment de chemin.  Bonne chance pour ceux qui vont monter de nuit !  A 20h30, j'arrive au pointage de Turon de Bene (km 77 1550 mètres), je passe 66 ème. Directement, je repars à l'attaque du Cabaliros, la nuit commence à tomber, et je suis obligé d'allumer ma frontale.  La montée est difficile car il y a du brouillard, et beaucoup de balises sont tombées avec le vent, et les vaches en ont écrasées, le chemin vers le sommet est difficile à trouver.  De plus cela se fait de nouveau à travers tout, et les 2 derniers km se font dans la tourbe,et dans une sorte de marécage ou chaque pas demande un effort considérable.  Au sommets, il fait froid, la pluie est forte, et il y a des rafales de vent.  J'aurai fait toute la montée depuis le dernier pointage seul, j'essaye de courir mais pour la 1ère fois, mes quadriceps sont douloureux et répondent difficilement.  Je ne me sens plus si bien.  Je me motive car le plus dure est fait, maintenant c'est de la descente jusqu'à Cauterets (ravito) ou Claire m'attend, et je sais qu'elle trouvera les mots qu'il faut pour me remettre en forme.  La descente est hyper longue en lacet, mais la vue de nuit  est magnifique.  Et on tourne, et tourne et tourne en lacets, j'ai l'impression que jamais je n'arriverai à Cauterets.  Sur cette portion, mon gps va pointer 6 km en plus que le road book officiel, erreur de l'organisation excusable après tout le travail qu'ils ont effectué, mais Pu.... que c'est long ! C'est ici dans la descente que je me fais rattraper par Samuel et Jacky , qui eux aussi commencent à trouver cela long, surtout seul. Effectivement à trois, le temps passe plus vite et vers 0h20 du matin, on atteint enfin le ravito à Cauterets (km 98) à 925 mètres d'altitude. Je suis 77 ème.  Claire me motive, et m'aide à  me ravitailler.  On décide de repartir tous les trois ensembles vers le Col de Riou (km 106 1945 mètres altitude).  Le rythme est rapide,
on se relaie en tête chacun à notre tour.  Puis +- à 3 km du sommet, je commence à me sentir mal, plus de jus, tête qui tourne, je n'arrive plus a avancer.  A ce moment là, on doute, on a peur car on se dit qu'il reste +-60 km, et cela est peut être impossible maintenant. Je ne suis vraiment pas bien, et c'est là que ce sport "solitaire au départ" devient "solidaire", une seule lettre qui va tout changer pour la suite.  Je dis à Jacky et Samuel de continuer sans moi car je n'en peux plus.  Leur réponse est "non mon ptit gars, tu vas devant à ton rythme, et on finit la montée avec toi, on t'amène au sommet, allez c'est pas grave, cela va passer".  Je suis en train de vivre un passage terrible comme jamais je n'en ai eu auparavant lors d'un trail, mais en ultra je me dis : l'important  est de toujours avancer, même lentement, surtout ne pas s'arrêter.  On va se faire dépasser par au moins trente traileurs, mais Samuel et Jacky me réconforte et doucement, tous les deux me poussent au sommet.  Encore merci à vous deux car sans vous, je ne sais pas comment j'aurais fait, je vous dois beaucoup.  Un "d" à la place d'un "t", une lettre  suffit pour que tout soit différent.   Au sommet, je leur dit de partir, je me sens mieux, et si je peux, je les rattraperai dans la descente.  J'arrive au ravito d'Aulian à 3h20, je suis 81 ème.  Après le ravito, c'est incroyable, je retrouve la forme et je recommence à courir de plus en plus vite, je vais rattraper plusieurs trailers sur la descente vers Esqièze. A chaque fois, après des passages à vide comme cela. je m'étonne des possibilités que notre corps et notre cerveau recèlent.  Il est indéniable que dans la vie de tous les jours, nous n'utilisons qu'un faible pourcentage de nos capacités.  A force d'y croire et d'en vouloir, notre mental peut prendre le dessus sur la fatigue, la douleur, .... en fait on peut arriver à dominer et surtout à canaliser ses souffrances, une nouvelle révélation pour moi lors de ces deux heures de doutes. Et effectivement, à 5h10, j'arrive à Esqièze 80 ème, juste 8 minutes seulement après Samuel et Jacky.  J'ai de nouveau la pêche !.  Claire est toujours là, quel bonheur d'avoir quelqu'un comme elle qui me suit tout au long du parcours, merci !

Esqièze Sers - Vielle Aure  (159 km 9600 D+)

5h26, je repars avec Samuel.  Jacky  restera au ravito +- 2 heures car il souffre de fortes brûlures à l'estomac.  Il finira 104 ème en 33heures.  A deux, on avance très rapidement, 2h15'  sur la portion  de 12 km  800 m D+ qui nous amène à Tournaboup ( km 129  7750 D+).  On pointe respectivement 67 et 68 ème. Pas mal de places reprises, un top 50 est possible !

On est juste de nouveau en dessous du Col du Tourmalet, mais de l'autre côté cette fois ci, et pour la 1ère fois, le soleil semble vouloir nous accompagner,  Il est 7h44' samedi matin.  Il reste +- 30 km et 1400 m d+ avant d'arriver à Vieille Aure. On repart direction Col de Barège (2469 m altitude), et toujours des passages très techniques, gros rochers, passage de gués, cailloux.  A chaque fois il faut lever la jambe assez haut pour passer de rocher en rocher, cela devient traumatisant et douloureux.

 Samuel donne le rythme, je force et je peine  pour le suivre.  Je tiendrai son rythme jusqu au sommet de Barège, puis lors de la descente (+- 15 km) de nouveau trop technique pour moi, je lui dirai de continuer sans moi, car je ne peux suivre sa façon de sauter de rocher en rocher comme un Chamois, en plus depuis  Esqièze, j'ai perdu une lentille !


Ces 15 km vont pour moi être synonyme d'enfer, MARRE des cailloux.  Je me ferai une petite entorse de la cheville droite.  A force de mental qui lui semble plus puissant que mes jambes, je me pousse jusqu'au ravito de Merlans (km 147). Je suis 67 ème, il est 12h17.  Mes plantes de pieds me font atrocement souffrir.   Il reste 200 mètres de dénivelé puis c'est +- 13 km de descente jusqu'à l'arrivée.  Je parle avec Claire (gsm), elle me dit qu'il n y a que 28 arrivées, et que je dois donner tout ce qu'il reste sur la fin.  Après le dernier Col, les 3 premiers km de descente sont sur les pistes rouges de ski, les quadriceps sont douloureux, puis je lâche tout et merde à la douleur, je me mets à courir dans la descente, les muscles se relâchent, s'échauffent et de nouveau je contrôle ces douleurs, elles disparaissent, et me voilà courant à  +- 13 ou 14 km/h après 150 km et 29 heures de course. Incroyable, je dépasse plusieurs trailers qui on l'air de souffrir atrocement.  je vais récupérer 8 places sur la descente. Les 7 derniers km seront enfin super roulant.  Je finirai cet ultra Hyper technique à la 59 ème place en 31h 7 minutes. 


Samuel finira 48ème en 30h29', félicitation car c'était son 1er ultra, tu es fait pour cela mon "ptit gars", merci encore de m'avoir tiré quand j'en avais besoin.
Jamais je n'aurai cru pouvoir faire un tel résultat, surtout après tous les ennuis de santé début d'année.  Une chose est certaine, le physique et l'entraînement sont nécessaires, mais dans ce genre d'épreuve, le mental est l'allié le plus important.  Je me demande ou se situe la limite, car en chacun de nous, regorge certainement une force et des capacités inconnues, qui ne demandent qu'à être exploitées.  (à méditer)

La limite est uniquement celle que l'on se donne, une fois nos angoisses, nos peurs, nos craintes et nos douleurs maîtrisées, on découvre un autre monde plein de ressources et de possibilités jamais imaginées.


La veille de l'ultra, montée en vtt au sommet du Toumalet,
moi je l'ai fait en voiture !!!!!!!
 Merci à tous ceux qui m'ont encouragé tout au long de cet ultra, et spécialement à Claire pour m'avoir suivi sur de petites routes de montagne et soutenu pendant ces 31 heures.

3 commentaires:

Yannick Antoine a dit…

Bonjour Denis,

Nous sommes voisins (Rulles), mais je pense qu'on a jamais eu l'occasion de se rencontrer.
Bravo pour tes superbes courses, cela (me) fait rêver. Un jour sûrement ...

Bon repos et bonne continuation.

Cédric M. a dit…

Un compte rendu comme je les aime ! Merci pour nous avoir fait partager ces 31 heures de galère, de souffrance, ... de pur bonheur en fait ! :-) Il est quand même bien fait le corps humain, non ?
Au plaisir de suivre tes aventures !

Claire a dit…

You never fail to impress me...!

What an impressive performance.

When I look back at the treacherous weather conditions, the No. of people abandoning - not to mention the tremendous effort both mentally & physically requested, your physical ability is amazing however your mental ability is sometimes that bit beyond belief!!

And yes, I would be crazy enough to follow you through this all over again ☺

Hats off to you Denis cause you've done it again - slàinte mhath

Claire x

30 août 2011 23:11